Page:Ista - Contes & nouvelles, tome I, 1917.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Étendus sur l’herbe légè…rrrre !
Pareille au tapis de velours,
Partons au pays de Cythè…rrrre !
Car c’est la fête de l’amour.

— Maboule ! Elle est devenue maboule ! gémit le vieux cabot

Pourtant dans la salle, une surprise croissait chuchotante, et le farceur anonyme avait cessé ses « rrrre » depuis que la chanteuse les soulignait si bien elle-même. Car elle était charmante, la petite bougresse, depuis qu’elle était rentrée dans sa peau, débarrassée de la défroque sentimentale, redevenue faubourienne jusqu’au bout des ongles, hardie et provocante, lançant le couplet comme elle eût envoyé une engueulade. Et, pleine désormais d’un jemenfichisme altier, elle souriait goguenarde, elle donnait libre cours à son accent canaille pour entonner le quatrième et dernier couplet :

Sous le ciel qui semble souri.rrrre !
Dans l’aupépine et le muguet,
Mon bien-aimê, viens me redi…rrre !
Que tu m’aimeras à jamais.
Puis, sous la lune débonnai…rrrre !
Quand aura disparu le jour,
Nous dormirons dans la clairiè…rire !

… Minouche prit un temps. L’orchestre s’arrêta. La gosse avait levé les bras, non plus dans un geste fade et arrondi, mais dans une attitude énergique qui brandissait en l’air ses petits poings crispés. Et, dressée sur ses ergots, impérieuse, autoritaire comme un tambour-major qui va ouvrir le ban, elle gueula de toutes ses forces :

Car c’est la fête de l’amour !…

… Ses poings s’abattirent en un geste de commandement et, de la salle, de toute la salle.