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un petit rien de plus que les autres soirs. Si bien que les cinquante bourgeois ne firent pas trop la grimace, quand leurs cinquante femmes dirent en même temps, ou à peu près :

— Mon cher mari, j’ai une grâce à vous demander.

Et les cinquante bourgeois écoutèrent, en mangeant de bonnes choses, en buvant de grands verres de bière fraîche, leurs femmes raconter qu’elles avaient vu passer la pauvre petite Mieke qui pleurait si fort, si fort, que ça vous crevait le cœur. Puis ils s’attendrirent en entendant évoquer le temps de leurs fiançailles, le temps heureux où ils allaient se promener, la main dans la main, sur les larges digues qu’ombragent les vieux noyers touffus. Et ils finirent par pleurer de tout leur cœur, en pensant combien la pauvre Mieke devait être malheureuse. Alors, les cinquante bourgeoises posèrent doucement la tête sur l’épaule des cinquante bourgeois, et elles répétèrent, en même temps ou à peu près :

— Mon cher mari, j’ai une grâce à vous demander…

* * *

Le lendemain, à cinq heures, les cinquante bourgeois entrèrent à l’Hôtel de Ville, et se regardèrent en silence, d’un air rogue et méfiant. Puis le vieux bourgmestre leur dit :

— Mes chers amis, voici le système que j’ai passé la nuit à imaginer. On va remettre à chacun de vous un morceau de papier. Ceux qui veulent défendre à Mieke de quitter la ville écriront ce seul mot : Non. Ceux qui veulent le lui permettre écriront ce seul mot : Oui. Puis chacun viendra, à mon appel, déposer son vote dans cette boîte fendue en tirelire.