Page:Isis Copia - Fleurs de rêve, 1911.pdf/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tournant sur elles-mêmes, profitant de la plus légère brise pour s’éloigner un peu de la terre, comme si l’instinct les avertissait, les pauvrettes, du sort qui les attend sur cette terre, cette terre maudite et triste. Elles veulent rester en l’air, mais libres, et elles se croient joyeuses parce qu’elles sont moins éloignées du ciel.

Je vous vis naître, chères feuilles,… vous étiez petites… et d’un vert si tendre !

Combien, dites-moi, de douces paroles n’avez-vous pas ouïes et de chastes embrassements, entrevus ? Les murmures que vous échangiez l’une à l’autre, et les baisers que vous vous donniez, alors que le zéphir venait vous caresser, ne vous suffisaient pas ? Ô petites jalouses, vous avez vu le plaisir au-dessous de vous, et vous l’avez désiré. Vous avez cru que le bonheur se trouvait sur terre. Oh ! non, le bonheur n’existe pas chez nous, car l’homme ne peut que formuler ses désirs, il ne les réalise pas.

Naïves petites feuilles qui fîtes l’impossible pour n’être plus esclaves, vous n’aurez même pas la liberté et le plaisir d’être foulées aux pieds de qui vous aimez, il est si doux d’être humilié par l’âme qu’on aime ! Vous roulerez dans la poussière, dans la boue, et vous pourrirez là !

Et je suis triste, petites feuilles, en vous voyant danser et tomber… triste d’une tristesse qui me fait souffrir !