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néant. Nul ici ne me connaît ; j’ai des ouvrages que personne ne vient voir et encore moins acheter.

J’ai bien besoin, cher ami, de tes consolations pour sortir de ce mauvais pas. Non que je craigne la misère ; une petite et dernière ressource de ma bonne femme et le premier tiers du tableau que je vais demander au Ministre, l’esquisse faite, nous sauveront, j’espère, jusqu’au moment ou je pourrai regagner la France. Si à Paris j’éprouve de nouveaux tourments, j’irai de grand cœur me fixer et finir à Montauban, après avoir vécu avec un ami tel que toi, ma seule consolation.

Le parti que j’ai tiré d’un seul tableau, mon Odalisque que j’avais au Salon, a été très mauvais et très malheureux ; puisque, j’ose le dire à la honte de celui qui l’a acheté, cet ouvrage enfin si célèbre, malgré tout, m’a été payé 1.200 francs ! J’ai su d’un Anglais, a Florence à présent et alors à Paris, qu’il y aurait mis la somme de six mille francs ; mais il ne l’a pas demandé, croyant ne pouvoir l’avoir pour ce prix. Une autre personne m’a dit de même. J’ai été desservi horriblement. On avait, par méchanceté, négligé, (et cela de soi-disant protecteurs, des amis de Forbin et Granet), de mettre sur le Livret : Appartient à l’Auteur. Voilà de mes coups de fortune. Il faut espérer qu’elle se lassera de me persécuter. À propos, mon cher ami, nous aurions bien désiré que tu eusses été à la source de ces journaux qui, dis-tu, ont bien parlé de mon dernier tableau, envoyé