Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 55 —

des redites, voilà aussi mon histoire ; à cela près cependant qu’il est en train, malgré tout, de faire fortune, c’est-à-dire d’acquérir trois ou quatre mille livres de rente ou, pour autant dire, la liberté ; et que moi, pauvre diable, avec le travail le plus assidu et j’ose dire distingué, je me trouve, à trente-huit ans, n’avoir encore pu mettre de côté qu’à peine mille écus.

Encore faut-il vivre tous les jours ! Mais ma philosophie, ma bonne conscience et l’amour de l’art me soutiennent et me donnent le courage, avec les précieuses qualités d’une excellente femme, de me trouver encore passablement heureux ; et rien ne manquerait à notre bonheur que de t’avoir chez moi, avec ton amitié et tout ce que je possède à toi et pour toi. Ma bonne femme partage à ton égard tous mes sentiments. Il faudrait nous voir tous les deux pleurer de tendresse, à la lecture de tes chères lettres. Il n’est donc pas question que tu nous donnes des raisons, qui n’en sont pas pour nous ; il faut que tu viennes. Tous les temps sont bons. J’ai même pensé, (pardonne à mon indiscrétion), que quelque raison de cœur pouvait te retenir. Un an d’absence, si on t’aime véritablement, ne doit faire qu’augmenter rattachement. Mais nous sommes des égoïstes et nous ne pensons que pour nous, sur cela.

Passons aux affaires. Ta bonne sollicitude pour moi a eu le succès que tu en attendais ; Le Ministre de l’Intérieur vient de me charger de peindre un tableau pour la cathédrale de Montauban, et de