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mains aux lieux où il eut, un jour, son berceau et où il ne revint qu’en passant, comme un aigle qui vole. Comme un oiseau qui fuit, ses bons et justes concitoyens l’ont aussi laissé passer dans leur mémoire. À l’un d’eux à qui je viens de demander le nom de cette espèce de consul antique drapé dans sa blouse de travail, comme dans sa toge d’honneur, sur la belle promenade montalbanaise où l’immense plaine se déroule, à l’infini de l’horizon, jusqu’à la ligne bleue des Pyrénées dont le plus haut sommet, visible à l’œil nu, est la Maladetta, — le « mont maudit » de cet Hyperborée français aux neiges éternelles, — cet homme froid, comme elles, devant cette statue qui ne rappelait à son âme aucun souvenir de famille, s’est contenté de lever, vers le piédestal de ce lourd monument où l’on a représenté, — est-ce comme un reproche encore, — l’Apothéose d’Homère, le bout de sa canne indifférente et de me faire lire, sans rien de plus, ce nom de fer sur cette chose de bronze :

INGRES

Un autre poète, du même pays natal s’est contenté de ces deux vers inscrits sur son tombeau, à la manière des bergers du Poussin, qui fut aussi le maître de ce maître :

              Bienheureux les pâtres mes frères,
              Et les oiseaux de nos bruyères…

B. d’A