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rendit au salon où j’allais tout de suite savoir, d’elle, le mot de l’énigme qui m’avait tant occupé : elle se mit à rire et me dit : « Vous ne croiriez jamais ce qui l’a mis dans cet état ? Eh bien ! je vais vous le dire : c’est parce que j’ai fait servir un rôti de veau, et qu’il n’admet pas qu’on serve ce plat quand on a du monde. » Le maître n’admettait pas cet animal des tables bourgeoises, aux sacrifices de son autel. Et quand, en 1849. ce fut la servante fidèle qui fut sacrifiée à son tour, — avec quels torrents de larmes, on ne l’a pas oublié ? — on sait aussi comment l’inoubliable fut remplacée, deux ans après, par Delphine Ramel de beauté plus aristocratique, qui n’eut qu’à prendre, pour le beau portrait que le Musée de Montauban conserve, la pose si étudiée mais si noble d’une autre Vierge à la Chaise, à qui son septuagénaire toujours vert allait donner, quinze ans de vie encore, les attraits enchanteurs d’un voyage de noce. Si l’Iliade aux durs assauts fut le livre de Madeleine Chapelle, et si l’Odyssée aux explorations curieuses fut celui de Delphine Ramel, c’est que le maître souverainement aimé de ces deux femmes, si exemplairement aimantes, s’appela l’heureux Homère de Montauban à qui revient le rare privilège de ce même chef-d’œuvre d’amour et de fidélité en deux volumes.

Dans la suite des beaux portraits au crayon de cette galerie, faut-il vous rappeler celui de cette Transtévérine, sœur sensuelle de la Fornarina, qu’Ingres exécuta en peinture à Rome en 1807 pour le compte de M. de Senonnes, son amant qui en devint le mari fou jusqu’au point d’en rougir, plus tard, et faire retrouver ce merveilleux portrait dans une arrière-alcove de château d’où il passa, pour le prix de 120 francs, dans la boutique de l’antiquaire Bonessin, de Nantes, où M. Wismes le découvrit et en fît l’acquisition pour le Musée de cette ville, au prix dérisoire de 4.000 francs. Et le portrait de Mme Devaucey, peint à Rome 1 un an après celui-ci, d’après l’esquisse que le Musée de Montauban conserve ; cet