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cinq pièces aux larges fenêtres s’ouvrant sur la claire rivière qui coule là-dessous. Voici, dans la première, les simples meubles de style Empire qui furent siens à Paris, 11, quai Voltaire, d’où ils arrivèrent ici ; et les petites copies des maîtres italiens qu’il préféra et en compagnie desquelles il vécut si longtemps, fidèle à leurs inspirations ; et la haute vitrine qui tient, dans l’embrasure de deux pilastres corinthiens, la place de l’alcôve où les évêques Colbert et Lefranc de Pompignan dormirent jadis et où repose, à présent, tout ce qui fut la part de gloire la plus chère d’Ingres : son bureau, sa palette, son violon, la main moulée de sa première femme, ses médailles et sa couronne d’or[1], et, sur de simples papiers blancs crayonnés par le maître, la couronne la plus affectionnée des portraits de ceux et de celles qu’il préféra. Au milieu de la pièce est dressé le chevalet à double col de cygne, portant encore une dernière esquisse de Jésus, devant laquelle cet adorateur d’Homère voulut mourir. Et voici le fauteuil du chevalet, resté vide, depuis le matin du 14 janvier 1867 où la fumée d’une bûche s’écartant du foyer avait suffi pour

  1. Cette couronne d’or est composée de deux branches de laurier s’entrelaçant. La bandelette qui les réunit porte cette inscription sur deux lignes :

    a Jean-Dominique Ingres,
    les montalbanais. — 1853

    Armand Canibon, qui fut chargé de l’apporter à Paris, chez son maître, écrivait au Maire de Montauban le 15 juillet 1863 : « … Sans trop savoir comment cela a pu se faire, nous avons trouvé M. Ingres déjà avisé par un journal, La France ; de sorte qu’il nous a remerciés avant que nous ayons rien dit. » De son côté. Ingres écrivit au même Maire, le 17 du même mois : « … Cette couronne est beaucoup trop somptueuse, mais les immenses listes des noms des souscripteurs qui raccompagnent me touchent et m’enorgueillissent au fond du cœur. Enfin, Monsieur le Maire, c’est un beau jour de fête à inscrire dans mes annales, que le 14 juillet 1863. Il sera gravé dans mon cœur en caractères ineffaçables, ceux de la reconnaissance et de l’affection… » (Archives municipales de Montauban.)