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Et puis, à quoi bon s’attacher plus longtemps à ces objets chéris, compagnons fidèles d’une si longue vie, dont il avait déjà vécu soixante et onze années ? Chaque journée nouvelle ne lui rappelait-elle pas le prochain départ d’une maison qui devait lui paraître si vide, depuis déjà trois ans que la mort d’une première épouse adorée l’y avait laissé seul avec une douleur qu’il croyait éternelle ? Elle ne le fut que deux ans, tout au plus, jusqu’au mois de mai 1853, où le vert-galant septuagénaire se décida à remplacer Madeleine Chapelle par Delphine Ramel.

Par un premier legs de son vivant, — celui de ses dessins et registres ne viendra qu’après sa mort, — Ingres offrit donc, le 18 juillet 1851, à sa ville natale, 54 tableaux, 24 vases grecs et étrusques et les gravures de ses œuvres diverses, semblable en sa générosité à ces anciens « qui emportaient leurs œuvres d’art, quand ils allaient à la campagne ». L’ami Gilibert, mort précédemment, n’était plus là pour recevoir les « chers exilés ». Mais le Conseil municipal restait pour leur faire les honneurs de la salle qui avait, jadis, servi de chambre à coucher à l’évêque Colbert et à ses successeurs. « Le Conseil, dit le procès-verbal de la séance du 9 août 1851, autorise M. le Maire à prélever sur le crédit pour entretien des bâtiments communaux, la somme de 85 francs 10 centimes pour payer les frais de port des tableaux et objets d’art envoyés par Ingres ». Les amis Prosper Debia et Armand Cambon étaient aussi là, toujours fidèles à l’amitié du maître, pour lui aménager, dans ce Musée, une salle digne de son nom. « Le Musée Ingres, dit le registre municipal à la date du 15 mai 1854}, a été inauguré conformément à la volonté de notre illustre concitoyen. Il ne renferme que les dons qu’il a faits à sa ville natale. Il a été préparé, suivant ses instructions formelles, avec beaucoup d’intelligence et de soin par un de ses élèves les plus distingués et les affectionnés, ancien lauréat de nos écoles de dessin et fils de l’un de nos collègues les plus chers. » Depuis cette date de 1854, le Musée