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loué ou admiré. Mais il voulait faire seul ce dessin parce que, sans doute, il trouvait un certain plaisir à travailler à sa manière. » On sait que cette manière fît, de Prosper Debia, en 1827, un collaborateur d’Ingres devant l’Apothéose d’Homère et, de l’élève, un ami du maître qui avait passé les meilleures heures de son voyage à Montauban, en 1825, dans cette maison si hospitalière aux arts et aux artistes. Ne diriez-vous pas mieux ce sanctuaire, à y voir encore ce clavecin et cette harpe à la même place où ils furent laissés, après les quatuor et les quintetti du génial Beethoven et du divin Mozart que le grand Ingres et ses jeunes amis jouèrent là, toute une semaine ? Concertos inoubliables d’une famille qui a laissé aussi, sur les pupitres, les partitions encore ouvertes à la page qu’on n’est pas revenu tourner depuis que les grands vieux amis sont disparus !…

Le faubourg de Ville-Bourbon étant dépassé dans son silence de tombeaux, vous arrivez sur l’unique pont de la ville. Aussi rouge avec les caissons de tuile de ses énormes piliers que l’eau de la rivière passant dessous, ses bases massives éperonnent tout en dehors du tablier, dont les arches gothiques sont percées de hautes lucarnes en ogives. Là, se balance encore la herse de la cage qui servait, au temps d’Ingres, à plonger nues dans le Tarn les folles filles dont la joie trop chaude attirait les réprimandes du Guet, pendant les nuits d’ivresse. Au bout du pont, commence la ville. Vous en voyez, d’abord, l’ancien palais épiscopal, où l’Hôtel-de-Ville actuel a installé son siège et son musée municipal sur les quatre arches à larges cintres de ses hautes fondations surplombant la rivière. Quatre bonnets carrés et pointus forment son originale toiture qui rivalise, en vain, avec l’imposante carrure et l’aérienne tour de son voisin, le vieux Saint-Jacques qui fut, jadis, une redoutable forteresse quand Simon de Montfort et Henri IV y venaient entendre, l’un sa messe catholique et l’autre son prêche protestant,