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d’art que développeraient et perfectionneraient, ensuite, les œuvres et leurs maîtres plus renommés de la grande ville. Et c’est pourquoi Ingres, qui fut un des premiers décentralisateurs de Paris, au bénéfice de la Province et des Beaux-Arts qu’il y voulut transporter, mérite de particuliers éloges pour ce musée plein de ses œuvres, que Montauban lui doit et qu’il importe de visiter et de fréquenter même, comme une école supérieure de ce maître incomparable en dessin qui a dit, de cet art spécial et de lui-même : « Le dessin est la probité de l’art… Il comprend les trois quarts et demi de ce qui constitue la peinture. Si j’avais à mettre une enseigne au-dessus de ma porte, j’écrirais : École de Dessin, et je suis sûr que je ferais des peintres. »

I

Quand l’express, passant en bordure de Montauban, vous fait descendre à près d’un kilomètre de la ville, vous ne savez si vous n’allez pas confondre celle-ci avec quelque Sienne oubliée dans son repos par quelque divinité favorable à la contemplation des sages. À marcher entre les maisons basses du faubourg, qu’une endormante paix enveloppe, vous croyez pénétrer dans une nécropole antique, tant chacune de ses ruelles courtes et enchevêtrées fait silence. Dans l’ombre bleue de ces petites cases uniformément bâties en tuiles rouges, c’est un chat qui se risque à huis clos, sur ses pattes ouatées ; un chien qui se profile, à pas furtifs, dans ce silence qui lui est quotidiennement familier. C’est quelquefois aussi une silhouette humaine, confondant son sillage avec celui des maisons, dont elle suit les bords ombrés par le soleil ardent de ce torride Midi qui envahit tout, ici, et qui brûle les petits cailloux pointus, comme des aiguilles, dont sont pavées les étroites ruelles de ce vieux faubourg d’ancien temps.