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transparente divinité, cette terre classique des beaux-arts présente aussi en peinture des reposoirs sacrés où la beauté parfaite a ses autels. Aux Loges et aux Chambres du Vatican, c’est Raphaël et c’est la grâce divine opérant une deuxième incarnation. À la Sixtine, c’est Michel-Ange et c’est la majesté confondant, par sa force même, l’humanité quelle grandit jusqu’au risque d’une chute prochaine. Et ce sont aussi, çà et là, les petites chapelles de ce temple de grâce et de majesté. À Milan, c’est Vinci partageant le pain des forts, à la table du prieur des Grazie. À Orvieto, c’est Signorelli mesurant la grandeur des hommes à celle du Duomo qui les voit ressusciter parmi les morts. À Pérouse, c’est le Pérugin abritant les dernières visions de la naïve légende au Cambio des banquiers qui, remplaçant les moines, sauront apprécier cette peinture et faire un Thaborde la richesse, de ce Bethléem de la pauvreté. À Sienne, c’est le Pinturicchio inaugurant à la Libreria de la cathédrale un nouveau genre de chroniques élégantes et de styles savants que les âges nouveaux vont adopter, pour leurs histoires de demain. Et combien d’autres asiles de la beauté antique que l’Italie moderne, en presque chacune de ses villes, a dédiés aux arts dont elle fait son culte et aux artistes dont elle tire sa gloire, avec cette devise à la frise de ses temples, petits ou grands, imitant les inscriptions dédicatoires des frontispices antiques :

Artibus sacrum

La France contemporaine avait besoin de ces nobles exemples, pour disperser aussi dans ses provinces l’héritage artistique qu’elle accumulait, depuis des siècles, dans un Louvre désormais trop étroit pour conserver le trop-plein de son trésor national. Depuis qu’une France nouvelle avait organisé ses départements nouveaux, il convenait qu’au chef-lieu de chacun appartînt un fond local capable de provoquer, par des exemples louables, dans les générations survenantes, une première émulation