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frayent. Mais jeune, comme vous l’êtes, vous pouvez être, je crois, sans peur ni inquiétude si, jusqu’à l’heure où j’écris, tout va bien selon mes vœux. Je vous remercie mille fois, de m’a voir tiré d’inquiétude.

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Quant à moi, cher ami, je suis toujours inconsolable dans mon affreux malheur. Vous pouvez vous imaginer ce que je souffre devant l’abîme qui me sépare de ma pauvre femme. Mais, encore qu’il n’y ait que celui qui éprouve un tel malheur qui puisse le comprendre, j’ai cependant beaucoup de courage ; et le tendre appui de tant d’amis qui m’entourent, des secours de la plus vraie amitié, m’aident à vivre. Ensuite, délivré de bien des soins souvent longs et pénibles qui m’occupent dans ma nouvelle vie, j’espère que le travail sans aucune ambition mondaine et que le temps aussi, dit-on, m’aideront. Mais il y faudra bien du temps, car j’ai tout perdu pour le cœur.

Mon pauvre ami est donc toujours aussi mal, mais pas plus mal. — Mon Dieu ! que, du moins, il puisse vivre même ainsi, puisqu’il lui reste encore quelques facultés. Voyez-le pour moi, je vous prie, entretenez-le de mon tendre attachement, tranquillisez-le sur mon état présent, il me reste une excellente domestique qui avait toute la confiance de ma femme qui la chérissait ; car elle en était soignée avec un dévouement, je puis dire héroïque et tendre.

Voilà pour la vie. J’ai tout ce qu’il me faut.