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M. Roques, de 78 francs, restant du billet de 150 livres qui t’a été présenté par son fils et auquel tu n’avais donné à compte que trois louis ; je te les porterai. En sorte que, tout compte réglé, nos espérances après le décès de ton père se réalisent presque à rien : il nous reste de lui une partie des meubles, quantité de vieux modèles, des plâtres, gravures, un peu de bibliothèque, celle que tu lui as vue. Tu vois d’après cela, d’après cet exposé, ce que je laisse à tes deux sœurs et à ton jeune frère jumeau qui a 15 ans, avec le peu de meubles précité, les miens et le peu d’argent comptant provenant de la dernière vente faite à Toulouse. Tes deux sœurs savent un peu de musique : la cadette touche le piano et l’aînée la guitare ; mais elles n’ont pu avoir assez de maîtres pour les perfectionner, de manière que ces talents sont infructueux. Elles brodent et cousent très bien, et c’est avec cette seule industrie qu’elles se pourvoient, talent peu lucratif, mais qui suffira, je l’espère, à leurs besoins. Le plus jeune n’a jamais eu de dispositions ; tu sais la manière qu’avait ton père, quand tu étais à l’étude, et celui-ci ne l’encourageait pas à en faire un peintre ; il lui fît choisir l’état de chapelier ; il est à sa dernière année d’apprentissage. On le dit très adroit. Après cela, il se pourvoiera de son mieux ; il faut que je lui assure encore sa nourriture pour un an et son entretien.

» Tes études et croquis et notamment ce que tu me demandes, sont ici ; je les arrangerai comme tu me le prescris et les emporterai avec moi, lors de mon départ pour Aix, qui est fixé du 20 au 25 courant. Ce moment, que je crains autant que je le désire et qui doit m’arracher des bras de mes plus jeunes enfants, n’est adouci que par l’espoir que tu contribueras par la suite, autant que les circonstances le permettront, à alléger leur sort ; ils s’en reposent, au reste, sur ton bon cœur pour leur en donner la preuve dans tes jours de prospérité.

» Ta gloire fait notre félicité, et la nouvelle marque d’encouragement dont t’honore le Gouvernement dans la délivrance de la décoration du lis m’est un sûr garant