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occupations. Ce cher jeune homme, digne prince à jamais regrettable, si bon pour moi, si essentiel au bonheur de la France !… Ah ! il fallait voir ce roi, ce père, pleurant à chaudes larmes sur son trône, entouré de ses autres enfants : et nous tous, passant devant lui, lui apportant aussi notre vive douleur. Non, Eschyle ni Shakespeare n’ont tracé une plus terrible scène… Et ce digne et grand artiste, le Poussin des violons, il a succombé aussi et c’est le monde d’aujourd’hui qui l’a tué. Adieu, l’interprète divin de Boccherini, Haydn, Mozart, Beethoven ; nous ne l’entendrons plus, que de souvenir. Il n’a rien laissé à sa femme et à sa fille, mais le Ministre de l’Intérieur vient de leur donner une pension de douze cents francs.

Je ne savais pas, après son portrait, devoir m’occuper de son tombeau, à ce pauvre prince ; mais la reine a fait ériger sur le lieu fatal une chapelle à Saint Ferdinand, et le roi a dit à MM. de Montalivet et de Gailleux que c’était M. Ingres qui devait faire les cartons pour les vitraux de ce triste lieu, attendu que le prince m’aimait et que j’avais été l’ami de son fils. Le délai fut très court pour ce travail et tu juges, par ces paroles, du zèle et du sentiment que j’y ai apportés. Je viens de le finir. Dans deux mois, j’ai composé et exécuté douze saints et patrons de la famille royale, et trois cartons des vertus théologales, de grandeur naturelle. Tous ceux qui les ont vues les louent beaucoup, et le roi et la famille royale à qui je les ai présentés à la Manufacture