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aura fait ouvrir les yeux aux imbéciles qui gouvernent la peinture et malheureusement aussi les peintres. Je suis donc ajourné par cette considération…

000Adieu.
P. D.

Dans sa longue redingote puce à amples basques flottant sur un pantalon à pattes de cigogne, vous représentez-vous cet élégant et discret Debia partageant, à Paris, son dilettantisme de provincial lettré et artiste, entre la musique, qu’il adore encore plus passionnément que la divine Pasta, et la peinture à laquelle, par exemple, en compatriote orgueilleux de son dieu Ingres, il sacrifie jusqu’à son joli petit talent d’amateur pour rester tout entier au service du maître ? Dans ce Paris des arts, où ses relations de fils de famille cossue sont belles, il fréquente les riches héritiers des Pleyel et des Bertin ; mais si peu, tant l’amitié que lui accorde le grand Montalbanais honore le petit. Il est si intéressant, cet Ingres, à son foyer ! « Sa vie domestique, écrit-il encore à Gilibert, c’est le beau côté : il n’y a que bonheur pour lui. Quant à sa vie publique et à son commerce avec ce qu’on appelle le monde, c’est là qu’est le côté presque désolant, d’autant plus que c’est ce qui dérange le plus les goûts de notre ami et ce qui le poursuit jusque dans son atelier et rend sa vie pittoresque aussi pénible qu’elle devrait être heureuse. Son talent est tellement reconnu, qu’il n’a plus besoin d’user de petits ménagements envers des personnes qui ne peuvent que bavarder dans quelques sociétés où les arts sont la chose dont on s’occupe le moins. Qu’il produise des ouvrages, de grands ouvrages ; je suis bien certain que la besogne ne lui manquera pas. Mais il faut la faire : chaque heure perdue est plus à regretter, pour son talent et pour le bien de l’art, que des mois entiers pour d’autres ». Ainsi, plus vigilant à la porte de l’atelier d’Ingres qu’à celle du Capitole l’oiseau sacré cher à Junon, l’élève sans titre écarte les fâcheux qui en ont moins