Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 332 —

La forme : elle est le fondement et la condition de tout. La fumée même doit s’exprimer par le trait.


Il faut faire disparaitre les traces de la facilité, ce sont les résultats et non les moyens employés qui doivent paraître. La facilité, il faut en user en la méprisant ; mais, malgré cela, quand on en a pour cent mille francs, il faut encore s’en donner pour deux sous.


Pourquoi ne fait-on pas du grand caractère ? Parce qu’au lieu d’une grande forme on en fait trois petites.


Il est sans exemple qu’un grand dessinateur n’ait pas eu le coloris qui convenait exactement aux caractères de son dessin. Aux yeux de beaucoup de personnes. Raphaël n’a pas coloré ; il n’a pas coloré comme Rubens et Van Dyck. Parbleu ! je le crois bien : il s’en serait bien gardé.


Rubens et Van Dyck peuvent plaire au regard, mais ils le trompent : ils sont d’une mauvaise école coloriste, de l’école du mensonge. Titien, voilà la couleur vraie, voilà la nature sans exagération, sans éclat forcé : c’est juste.


Point de couleur trop ardente ; c’est antihistorique. Tombez plutôt dans le gris que dans l’ardent si vous ne pouvez pas faire juste, si vous ne pouvez trouver le ton tout à fait vrai.


Croyez-vous que je vous envoie au Louvre pour y trouver ce qu’on est convenu d’appeler « le beau idéal », quelque chose d’autre que ce qui est dans la nature ? Ce sont de pareilles sottises qui, aux mauvaises époques, ont amené la décadence de l’art. Je vous envoie là parce que vous apprendrez des Antiques à voir la nature, parce