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Un jour, un marchand de bric-à-brac apporta à l’auteur de la Stratonice’un merveilleux morceau de peinture de Vélasquez, qu’il avait découpe dans une toile beaucoup plus grande. Autant suffoqué d’indignation que d’admiration, Ingres éclate en fureur : « Eh quoi ! brute misérable, infâme, vous avez commis ce crime sans nom, de mutiler une telle chose !… » Et l’homme ahuri de se sauver. « Elle ne m’a pas coûté cher, celle-là, ajoutait Ingres, plus tard : je n’ai jamais revu le marchand. »


Depuis un bon moment, Ingres est arrêté sur le trottoir, à l’angle des rues d’Assas et Vavin. Immobile, il suit d’un regard captivé le va-et-vient du large pinceau imbibé d’une couleur brunâtre, qu’un peintre en bâtiment promène, d’un geste égal et rhythmé, sur les boiseries de la devanture d’un épicier. — « Eh ! cher maître, que faites-vous donc là ? » demande, venant à passer et assez intrigué, un confrère de l’Institut, du nom de E. Signol. Pour toute réponse, Ingres, montrant l’ouvrier :

— « Voyez, dit-il, et admirez : il en prend juste ce qu’il faut ! »


Ingres, toujours tourmenté et se lamentant de toutes gens et de toutes choses, félicitait ainsi un de ses portraitistes, le peintre Haro : « Je suis bien content, parce que vous m’avez fait l’air bien mécontent. »


Hélas ! avant d’entrer dans les sanctuaires de glorieuse et chaste immortalité, au Louvre ou aux Offices, les Maîtresses du Titien et les Odalisques d’Ingres passent par l’alcôve de l’Arétin et la salle à manger du docteur Véron !


X…, pur Parisien, sortant du Vatican où il venait de donner un coup-d œil aux Stanze : « Vous direz ce que