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— Mais, à propos, me dit-il, je n’ai pas encore d’atelier. … J’en cherche un… Voyez, je suis à peine installé moi-même. Je ne croyais pas rester en France. Je comptais, à la suite de l’Exposition, reprendre le chemin de ma belle Italie… Mais le vent a tourné. Pour la première fois, j’ai été accueilli, fêté, récompensé plus que je ne mérite peut-être ; et j’ai écrit à Mme Ingres d’arriver, d’apporter tout, car je n’étais venu, moi, qu’avec ma simple valise et mes tableaux. Et me voici en France, dans mon pays qui veut bien de moi… Et j’y resterai, et j’en suis heureux. Quelques-uns de mes amis m’ont engagé à ouvrir un atelier, et je suis à la recherche d’un local. Mais, jusque-là, il ne faut pas que vous perdiez votre temps. Je vais vous donner quelques gravures que vous copierez, et vous viendrez me montrer ici ce que vous aurez fait. Nous attendrons ainsi que je puisse vous installer avec ceux qui, je l’espère, m’arriveront [1].

Au n° 3 de la rue des Beaux-Arts, les premiers élèves d’Ingres, deux Allemands, un Brésilien et un Belge, constituèrent, avec Duval, l’atelier naissant et bien modeste du rival de Drolling et de Picot, qui tenaient leurs cours très fréquentés, rue Mazarine, dans les sous-sols mêmes de l’institut. Cet atelier, dont l’entrée principale donnait rue des Marais-Saint-Germain, n’était pas l’idéal pour « un peintre d’histoire ayant besoin d’un logement pour lui et de deux grands ateliers, un pour les demoiselles et un pour les garçons…, tout cela dans le Faubourg Saint-Germain et à portée du Louvre ». Mais ses tableaux ne commençaient-ils pas à se vendre « six fois plus » qu’ils ne lui avaient été payés à l’origine, et n’avait-il pas en commande « une grande chapelle à peindre à fresque à Saint-Sulpice ; deux grands tableaux de six mille francs chaque, l’un pour la maison du Roi (la Stratonice), l’autre pour la cathédrale d’Autun (le Saint Symphorien)… »

  1. L’Atelier d’Ingres, p. 18.