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LES DIRECTIONS D’INGRES

I

Au premier livre de l’Iliade qu’Ingres lisait dans la traduction française de Bitaubé, en une petite édition de poche qui raccompagna partout sa vie durant, — et elle reste encore aujourd’hui sur le bureau du maître au Musée de Montauban, — vous n’avez pas oublié l’épisode de Briséis, la belle esclave qu’Agamemnon jaloux enlève à Achille boudant désormais sous sa tente, devant l’armée grecque au repos, et le sort d’Ilion suspendue à la destinée de la douce captive. Que penseriez-vous de la comparaison si la charmante Briséis, au bras du sévère Achille, rappelait aussi la Couleur brillante au service de ce même inflexible Dessin par lequel cet autre redoutable boudeur que fut Ingres aux Beaux-Arts, où il allait entrer professeur, pouvait aussi s’appeler Achille l’indomptable

par sa cuirasse fatidique, lui, vulnérable au seul talon ? Quand, un matin des premiers jours de novembre 1825, le jeune Amaury Duval, qui devait être un des premiers élèves du nouveau professeur encore sans atelier, vint sonner, rue du Bac, au fond du passage Sainte-Marie, ce n’était pas précisément une cuirasse qui recourrait le torse ferme et à peu près nu du rude Ingres. Un petit carrick de voyage, où le visiteur crut reconnaitre le même que le maître avait peint dans son propre portrait de 1808, était jeté assez court sur ses épaules et tenu soigneusement croisé sur son ventre, déjà un peu arrondi…