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Cette lettre, que M. Henry Lapauze doit à Mme Lasserre, petite-nièce de Mme Borel, née Chapelle, nous montre, en la sœur de cette dernière à qui elle écrivait si gaiement, un autre genre de charmante et rieuse « fille à Mme Angot », en compagnie de laquelle allait passer peut-être une vie moins triste ce « peintre d’histoire » et non « en bâtiment » qui ne semblait avoir fréquenté, jusqu’à cette heure, que les dieux impassibles. C’était « un joli garçon », disait-elle, qui avait trente-quatre ans. Elle était mieux que lui et n’accusait pas son âge, à elle, se contentant d’ajouter qu’ils étaient bien assortis. Le cousin Loréal, « greffier à la Cour Impériale de Rome, département du Tibre », avait bien fait les choses en négociant ce mariage bleu, entre ses cartons verts d’officier de l’état-civil et les toiles peintes de son compatriote cadurcien, ex pensionnaire de l’Académie de France au département des Beaux-Arts. Dans cette grande Rome, où, pour des cœurs bien nés, la patrie la plus chère était leur petit coin natal de Montauban et de Guéret, nous nous représentons aisément ces deux compatriotes de même voisinage se rapprocher plus sympathiquement, surtout aux abords de cette année 1814, qui allait voir la fin du règne de Murât à Naples, — un autre grand, beau et cordial compatriote quercynois, dont Ingres s’était naturellement épris pour y perdre, sinon aussi une couronne, du moins des œuvres dont il ne reverrait jamais plus ni les toiles ni leur prix [1]. Une

  1. Depuis le drame de Pizzo et la mort du royal fils de l’ancien aubergiste de Labastide-Murat, il ne reste plus aucun des nombreux tableaux qu’Ingres peignit pour la Cour de Naples. Seule. l’Odalisque couchée, dite la Grande Odalisqueou l’Odalisque Pourtalès (du nom de son acquisiteur, qui la paya quelques cents francs à peine au Salon de 1819), fut préservée du royal pillage auquel donna lieu, dans le palais de Naples, la chute du roi Joachim Murât. La raison en est qu’en 1814 Ingres gardait dans son atelier de Rome ce tableau qu’il