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tendu » nous font défaut, en voici une de la « promise » qui, avant de quitter Guéret pour Home, fait à sa sœur et à sa manière aussi le portrait de celui qui en peint de si beaux. Ce n’est ni du dernier Régence ni du dernier Watteau. La Belle Jardinière n’en sera pas plus laide.

« Guéret, le 30 août 1813.

» Tu dois, ma bonne amie, me trouver bien négligente d’avoir tant tardé à te répondre, mais c’est qu’il y avait de grandes affaires sous jeu et je ne voulais pas écrire avant que cela fût bien décidé ; tu voudrais déjà savoir de quoi il est question. Un moment, ne te presse pas, je vais te le dire.

» Je vous avais donné la commission de me trouver un mari, mais vous pensez à moi quand vous me voyez. Il faut te dire que je commençais à perdre patience, quand je me suis rappelée ce que tu m’écrivis lors de ton mariage, « que vieille fille et vieux froment trouvent toujours leur temps ». Je me suis rassurée quand, aux beaux jours, on m’écrivit de Rome que l’on avait trouvé tout ce qu’il me fallait. Tu peux bien juger du plaisir que l’on m’a fait éprouver et cela me rajeunit de dix ans, de sorte que je n’en parais plus que vingt. Maintenant, parlons raison, si je le puis. C’est un peu difficile, j’en conviens.

» Il est pourtant bien vrai, ma bonne amie, que je vais me marier, toutefois que cela convienne à mon père ; je te charge de lui demander son consentement et sa bénédiction. Je voulais bien aller les lui demander moi-même, mais cela est impossible, ce sera pour l’année prochaine et j’espère bien lui mener son troisième gendre… Ah ! dame, c’est un joli garçon. Je t’ai toujours dit que j’en voulais un bien joli ; je t’enverrais bien son portrait, mais ce sera pour la première lettre.

» À présent, tu voudrais bien savoir qui il est. Je vais de le dire : c’est un peintre. Non un peintre en bâtiment, mais c’est un grand peintre d’histoire, un grand talent. Il se fait de dix à douze mille livres de rente ; tu vois qu’avec cela on ne meurt pas de faim. Il est d’un bon caractère, très doux ; il n’est ni buveur, ni joueur, ni