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Ingres aux Frères Balze.

Mes chers amis, encore sous l’impression de vos belles copies, je ne puis venir à vous exprimer de nouveau mon entier contentement, mon admiration pour votre religieux courage, et je puis bien féliciter notre pays de posséder enfin l’émanation la plus parfaite, la plus complète de cet apogée de l’art au Vatican.

Que les hommes d’aujourd’hui vous en sachent bon gré pour leur avantage, et malheur à l’ignorant audacieux qui osera blasphémer là contre ! Oui, que malheur lui arrive ; car, non seulement il sera un âne, mais aussi un méchant !

Pour moi, comme Français, artiste, le cœur me bondit de plaisir. Et donc, mes amis, soyez heureux de votre conscience, vous avez bien mérité de la Patrie ! Il me reste un vœu à faire : qu’elle vous soit reconnaissante !

Mais il y a une chose qui me fait de la peine : c’est le projet que l’on aurait de poser les Sibylles colossales et encore plus le Jugement dernier. Ce serait vous faire un véritable tort et cela diminuerait l’intérêt que l’on doit uniquement porter à Raphaël, à lui seul, sans parler de l’encombrement que cela occasionnerait. D’ailleurs, les copies de Michel Ange sont un fait accompli : elles ont leur place respective à l’École.

Si vous pouvez, sans blesser M. Cave dont je respecte les sentiments et le goût, lui présenter ma pensée dans votre intérêt, faites-le. Il sait, d’ailleurs, l’intérêt que je vous porte et il a un si bon esprit.

Le Journal des Débats, (le feuilleton de M. Jules Janin), s’est occupé de vous. Mettez leur votre carte avec invitation, de même qu’à M. de l’Écluze (sic). N’oubliez pas M. Thiers, tâchez de le voir et faites ressortir l’honneur mérité qu’il a eu seul à faire copier