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» Et voilà comment, Delacroix et moi, nous nous rencontrâmes un jour au Louvre, pour ne plus nous quitter qu’à la mort de mon galant viveur ! ajouta Chenavard en essuyant, de son grand mouchoir bleu, un joli petit brouillard de larmes mi-gaies et mi-tristes qui baignèrent, sans effort, les douces paupières du vieillard.

III

Qu’en 1824 ce Delacroix révolutionnaire fût un diable courant sur les toits du Louvre, ou seulement une étoile nouvelle se levant à l’horizon des Beaux-Arts, Ingres, son irréductible adversaire, devinant l’imminente bataille des Classiques et des Romantiques, n’avait plus à quitter Paris que la faveur publique assignait déjà en quartier général au chef élu pour une passe d’armes qui n’allait pas manquer de grandeur. Recoiffant donc son castor poilu de voyage, que le bicorne académique allait bientôt remplacer congrûment, il sortit du Salon et du Louvre pour écrire à sa femme, restée à Florence, que le sac de nuit n’était plus suflisant et qu’il l’invitait à le rejoindre à Paris, avec tous leurs bagages de la vie de bohème, enfin finie, pour une nouvelle vie de fortune probable.

Déjà ce même Vœu de Louis XIII, commandé par l’État pour 3.000 francs, trouvait amateur à 80.000 francs en M. de Villèle, qui ne put cependant l’obtenir à ce prix. Une simple esquisse de la Chapelle Sixtine, acquise précédemment par M. de Forbin lui-même « au prix de 25 louis », lui en faisait refuser maintenant quatorze fois plus (7.000 francs). Tous les amateurs de l’Art ancien voulaient une œuvre de ce Raphaël des temps nouveaux. « J’ai, écrit-il, une grande chapelle à peindre à fresques à Saint-Sulpice, deux grands tableaux de 6.000 francs chaque, l’un pour la maison du Roi, l’autre pour la cathé-