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che, mais vous copiez si bien, Monsieur, que je pense à un travail dont vous vous chargeriez peut-être.

— Lequel ?

— Il s’agirait de copier une grande « machine » dont les dimensions ne permettent pas l’envoi à Londres, où elle est attendue pour y être gravée. C’est un Jésus aux Oliviers que je viens d’essayer pour l’église Saint-Paul et où, quoi qu’en aient dit les journalistes, M. Victor Hugo n’a pas pose pour le buste du Christ.

— C’est peut-être à M. Eugène Delacroix que j’ai l’honneur de parler ? ajoutai-je, assez flatté de la rencontre et devinant le peintre déjà célèbre à cet écho de journal qui était parvenu jusqu’à moi.

— Delacroix, oui ! Vous connaissez ce type ? C’est bien moi. Ma proposition vous plaît-elle ? C’est que vous êtes un rude copiste, savez-vous ! Mes compliments, mon cher ! Alors ça vous va, de recopier mon tableau ? J’ai l’atelier au n° 22, rue Blanche (aujourd’hui rue de Varenne). J’y suis tous les matins, depuis 7 heures. Y viendrez-vous ?

— Mais tout de suite, si vous voulez.

— Merci ! Alors vous repliez votre balluchon ? Mais, je vous en prie, si vous avez à travailler encore, je vous attendrai… Eh ! eh ! quelle charmante voisine de musée vous avez là ?

— Laquelle donc, Monsieur Delacroix ?

— Oh ! je vous en prie, dites Delacroix tout court ; comme vous me permettrez bien de vous appeler Chenavard, sans façon.

» C’est que j’étais assez confus, avec mes yeux, certes, plus clairs alors que ceux qui ne me laissent plus rien voir, aujourd’hui, de n’avoir pas encore pris carde à la belle personne dont me complimentait le jeune maître.

— Quelle voisine ? Où donc la voyez-vous ?