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pas ainsi. Un ami éclairé, un artiste qui travaille en émail dans mon atelier, me redonne le cœur nécessaire pour compléter cette œuvre importante sous tant de rapports. [1]

Que n’es tu ici, cher ami ? Combien de fois, le jour, je voudrais tes bons avis à mon côté ! Il est donc bien vrai que j’ai peint ce tableau, trois fois pour une. Que le bon Dieu !… celui qui a conçu un pareil sujet dont je n’ai connu la sécheresse et la froideur qu’en le faisant ! Alors, j’ai dû le recomposer, sur la toile. Juge de la peine. Il m’aura donc fallu vaincre tout au bout de l’épée et, de rien, faire de l’or. Heureux que cet or, ou rien ou peu, ne devienne ! Enfin, voici bientôt le terme. À l’heure où je t’écris, (qui est cinq heures et demie du matin), je l’entends mon tableau, qui me crie : « Accours bien vite me finir, car je dois être terminé du 22 au 25 de ce mois, séché et être vu jusqu’au 30, roulé ensuite dans un tuyau de fer-blanc, et je dois monter en voiture avec toi. Car je ne veux pas te quitter, jusqu’à Paris ! »

Voilà, cher ami, ma situation et mes projets futurs, pour arriver, comme tu sais, assez à temps, pour faire partie de la troisième et dernière Exposition, ou troisième arrangement du Salon qui dure trois mois, d’après l’arrêté que tu dois connaître du M. de la M. du Roi. Je reconnais, au milieu de mes mauvaises fortunes, que la Providence m’a été constamment favorable en commen-

  1. Constantin, le céramiste, qui lui posa Louis XIII.