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vivre honorablement, tout y passe, et nous rattrapons fort juste les deux bouts.

Adonc, il est impossible que je pense à rien mettre de côté jusqu’au moment où j’aurai pris la place que je suis peut-être à la veille de prendre, et qui devra me donner plus de gloire et aussi plus de profit. Nous ne changerons en rien notre manière de vivre, qui est simple, abondante, celle qui convient à des gens sages et qui veulent vivre longtemps. J’oubliais que, de plus, je fais de la peinture, comme si j’avais dix mille livres de rente ; et la partie des modèles est toujours très coûteuse, tu le sais, surtout lorsqu’on recommence quelquefois des figures entières. Enfin, cher ami, voilà mes raisons. Les tiennes et tes sollicitudes pour notre bonheur sont de nouvelles preuves de ton incomparable amitié.

Je suis prêt à te faire passer, par un négociant de nos amis, cette éternelle mosaïque (qui est fort bien). Il te l’adressera de Paris.

T’avouerai-je une faiblesse, ou plutôt une gourmandise ? Mais, par un effet de l’amour de la patrie, je voudrais que tu m’apprennes, (ceci est pour moi), comment il faut s’y prendre pour me faire certain millas que les bonnes femmes faisaient dans notre enfance, — et tu en manges peut-être encore. Elles nous le vendaient au Marché Couvert, sur des feuilles de chou : ces millas faisaient notre bonheur. Et d’un. Les boudins de Montauban sont si supérieurs que j’en fais venir l’eau à la bouche de ceux à qui j’en parle.