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imitation mène à tout. Tu as de l’intelligence, tu connais le beau, va ton train. Tu en retireras un fruit bien agréable. Après que tu auras un peu barbouillé, dessine, dessine encore et dessine toujours. Je me rappelle que j’ai eu autrefois la barbarie de te retenir quelques-uns de tes croquis, d’après les bas-reliefs d’Athènes : je les revois toujours avec un nouveau plaisir. Ils sont fort bien.

Parlons de l’avenir. Il dépend absolument de mon succès à Paris. S’il n’en est pas ainsi, j’ai toujours bien de quoi travailler, au moins encore pour trois ou quatre a us, sur des ouvrages commandés et que je peux même taire ici où je vis très heureusement, dans toute l’étendue du mot. Et ce bonheur sera complet, si tu viens nous rejoindre. Quant aux finances et économies, c’est avec regret que je vois que je ne peux pas même y penser, malgré toute la sagesse avec laquelle nous vivons. La raison en est toute simple : je suis très long à faire un tableau et, pour mieux dire, les autres en font trois lorsque j’en fais un. Ce un ne m’est pas payé la moitié de ce qu’il vaut et, quelquefois, cela ne va que jusques au tiers. Pendant ce temps, il faut vivre et s’entretenir ; rien de trop, aucun luxe d’aucun genre. Je suis même obligé de tourmenter ma femme pour qu’elle se fasse un chapeau, car elle s’habille entièrement de ses mains et, excepté l’habit, elle en fait pour moi autant de tout le reste. Ce n’est là que sa moindre vertu. Et devant cependant