Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 92 —

des arts et des lettres sont tous enfants d’Homère. Que l’on tasse quelque chose de bon, c’est émané de son génie, de sa raison. Je serais trop long à les citer tous ; tu les connais aussi bien que moi. Je remets à en parler lorsque nous serons réunis, ou quand nous nous reverrons, ce qui pourrait être plus tôt que tu ne penses.

Je reviens à notre petit tableau : il est fini, au contentement de tous. Est-il temps encore de te l’envoyer et de l’offrir à M. Graves ? J’attends, par ta première lettre, de savoir si je dois agir. Quant au sujet, je l’ai tiré, je crois, de Péréfixe. Ce sujet n’est pas, à la vérité, très brillant ; mais il a néanmoins un peu d’action et voici quel il est. Dom Pedro de Tolède, passant par Paris pour aller dans les Pays-Bas, rencontre au Louvre un officier qui portait l’épée de Henri IY. Il s’avance, met un genou en terre et la baise en disant : « Rendons cet honneur à la plus glorieuse épée de la chrétienté. » Il est à noter que ce même personnage avait eu, quelques jours auparavant, un démêlé assez fort avec le roi, le piquant de paroles ; si bien que le roi lui avait dit enfin : « Monsieur l’Ambassadeur, vous êtes Espagnol, et moi Gascon ; ne nous échauffons pas. » Il m’a donc semblé que l’éloge d’un grand homme, de la part d’un ennemi, est à la gloire de celui qui en est l’objet, puisqu’il est dicté par la force et l’ascendant irrésistible de la vertu.

Donc, mon cher ami, je diligente et dirige mes occupations, à ne pas perdre une heure, pour