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CORRESPONDANCE

côté mon hôtesse la « pappadia », femme du « pappa », bavarde et insignifiante, et son locataire, les relations devinrent bientôt charmantes. Je fis tout ce qu’il fallait pour me faire agréer. En ces temps de disette, il m’était facile de soutenir le prestige de l’uniforme par des arguments solides, palpables, convaincants. Enfin, ma qualité d’occidental… je passe.

Chary et Morphitza luttaient de coquetterie. Ma chambre embaumait d’œillets poivrés, de roses et de basilic. J’étais soigné comme Ulysse dans l’île de Calypso.

J’enseignais le français, à mes nouvelles amies et Chary me donnait en échange des leçons de grec moderne. Le papa et la pappadia me dépouillaient fort civilement de milles choses imprévues. Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Un autre, à ma place, eut peut-être sacrifié sans débat, sur l’autel d’Aphrodite en compagnie de Chary ou de Morphitza. Les langueurs, l’obscure jalousie qui les divisait, les œillades homicides que me décochaient les prétendants, tout me conseillait de cueillir fleur et fruit. Mais, j’étais hanté par le souvenir de Donnia, autant que par mes propres instincts. Je voulais plus et mieux qu’une banale aventure. Que celui qui ne fut jamais machiavélique me jette la première pierre.

Voyez la fille du pappa, cher monsieur Léon, et vous me comprendrez : une Cora d’Orient, aux yeux ardents, casquée de jais, à la gorge héroïque, admirablement callipyge. Opulente beauté, souple et grasse, mais beauté éphémère. Vers la trentaine, de pareilles femmes s’empâtent et c’est un grand dommage.