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ACTE II
PEER GYNT (arrivant, les yeux égarés)

Arrêtez, merveilleux portiques,
Palais de flamme, ardentes tours !
Ça ! ne me faites pas la nique
Et ne reculez pas toujours !
Sur la plus haute de vos pointes,
Je vois un coq[1] tendre le cou,
En agitant ses ailes peintes,
Pour s’envoler je ne sais où.
Hé ! quels sont ces troncs, ces racines,
Qui sortent du cœur des rochers,
Ces géants aux sinistres mines
Sur des pieds de hérons perchés ?
Est-ce l’arc-en-ciel qui s’étale,
Avec son éclat indécis
Qui, tantôt rouge et tantôt pâle,
M’aveugle. Au-dessus des sourcils,
Quel mal de tête épouvantable !
J’ai là comme un cercle de fer.
On dirait que la main du diable
Me l’a mis au fond de l’enfer.

(Se laissant choir par terre.)

Le bouquetin ? Quel conte bête,
Quelle histoire à dormir debout !…
La mariée ? Un coup de tête
À me faire tordre le cou…

  1. Tous les clochers, en Scandinavie, sont surmontés d’un coq, symbole de la vigilance. Peer Gynt n’ayant encore jamais vu d’autres flèches, sa fantaisie lui suggère naturellement cette image.