Page:Ibsen - Peer Gynt, trad. Prozor, 1899.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
PEER GYNT
PEER GYNT

L’âme, souffle et lumière du verbe, te viendra plus tard, ma fille. Quand, en lettres d’or, sur le fond rose de l’Orient, apparaîtront ces mots : Voici le jour, alors commenceront les leçons ; ne crains rien, tu seras instruite. Mais je serais un sot de vouloir, dans le calme de cette tiède nuit, me parer de quelques haillons d’un vieux savoir usé, pour te traiter en maître d’école. Après tout, le principal, quand on y réfléchit, ce n’est point l’âme, c’est le cœur.

ANITRA

Parle seigneur. Quand tu parles, il me semble voir comme des lueurs d’opale.

PEER GYNT

La raison poussée à l’excès est de la bêtise. La poltronnerie s’épanouit en cruauté. L’exagération de la vérité, c’est de la sagesse à l’envers. Oui, mon enfant, le diable m’emporte s’il n’y a pas de par le monde des êtres gavés d’âme qui n’en ont que plus de peine à voir clair. J’ai connu un individu de cette sorte, une vraie perle pourtant, qui a manqué son but et perdu la boussole. Vois-tu ce désert qui entoure l’oasis ? Je n’aurais qu’à agiter mon turban pour que les flots de l’Océan en comblassent toute l’étendue. Mais je