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ACTE IV

Anitra ! je te trouve enfin,
Fille au corps souple, au pied agile,
Mets exquis, breuvage divin,
Plus capiteuse que le vin
Qui de la palme se distille !

(Il met le luth en bandoulière et s’avance de quelques pas.)

Tout se tait ! Sans doute, la belle tend l’oreille, écoutant ma chanson ? Peut-être, sans voile et sans atours, m’observe-t-elle, cachée derrière ce rideau Chut ! j’entends comme le bruit d’un bouchon qui saute. Encore ! encore ! Serait-ce un soupir d’amour ? ou plutôt un chant ? Non ! c’est un ronflement très distinct. Quelle musique ! Anitra dort ; rossignol suspends tes trilles ! Il t’en coûterait cher si tes vocalises… Eh bien, non ! va toujours, comme dit le livre ! Le rossignol est un chanteur. N’en suis-je pas un aussi ? L’un et l’autre, à l’appât de nos sons harmonieux, nous prenons les petits cœurs délicats et tendres. La nuit sereine est faite pour le chant. Le chant est notre élément commun. Pour Peer Gynt comme pour le rossignol, chanter c’est être soi-même. Qu’elle dorme, la charmante fille, n’est-ce pas le comble du bonheur pour un amoureux de ma trempe ? La suprême félicité n’est-elle pas de tendre la lèvre sans toucher au calice ? Mais la voici : c’est elle ! Eh bien ! ma foi, j’aime mieux cela !