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PEER GYNT
BALLON

Allons donc ! N’allez-vous pas, avec armes et bagages, porter secours aux Grecs ?

PEER GYNT (sifflotant)

Moi ? Ah ! non, par exemple ! Je suis du côté des forts, et c’est aux Turcs que je prêterai mon argent.

BALLON

Impossible !

EBERKOPF

Quelle agréable plaisanterie !

PEER GYNT (garde un instant le silence, s’appuie à une chaise et prend un air important)

Écoutez, Messieurs, il vaut mieux que nous nous séparions avant que le dernier reste de notre amitié s’évanouisse en fumée. Quand on n’a rien, on ne craint pas les risques, et il n’est meilleure chair à canon que les gens ne possédant pour tout bien que le peu de terre collée à leurs chaussures. Mais quand on est en rade comme moi, on n’aventure pas ainsi sa mise. Allez en Grèce, si vous voulez. Je vous armerai gratis et vous enverrai à terre. Plus vous activerez l’incendie, plus je pourrai tendre mon arc. Luttez bravement pour la liberté et le droit ! Allez-y ! Faites pleuvoir sur les Turcs tous les feux de l’enfer et trouvez une noble fin au bout d’une lance de janissaire. Mais permettez-moi