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L’UNION DES JEUNES

un tronc d’arbre il se mit à picorer, à crier, à frapper de son bec pointu de ci de là pour trouver les insectes avec lesquels il nourrit sa bile. De partout on entendait son : pick ! pick ! pick ! C’était lui.

erik. — Mille pardons, n’était-ce pas plutôt une cigogne, ou ?…

hejre. — Suffit !

stensgard. — C’était un vieux pic. Leur assemblée commençait à s’animer. Bientôt ils trouvèrent un personnage sur lequel ils pouvaient glousser, ils rapprochèrent aussitôt leurs petites têtes et gloussèrent en chœur, longtemps, jusqu’à ce que le jeune coucou se mit de la partie et gloussa aussi avec eux.

fieldbo (bas à Stensgard). — Au nom du ciel, tais-toi !

stensgard. — Mais le personnage dont il s’agissait était un aigle qui avait choisi un rocher solitaire pour y jouir de son repos. Tous étaient ligués contre lui. « C’est l’effroi de tout le voisinage, » disait un horrible corbeau. Mais l’aigle, à ce moment, vola majestueusement au bas de son rocher, vint prendre le coucou dans le vallon et l’emmena avec lui sur les hauteurs… Il fit ainsi la conquête d’un cœur. D’une aile légère l’oiseau de bonheur s’envola au-dessus de la plaine mesquine vers le repos, vers le soleil ; et là il apprit à mépriser le gloussement des poulaillers ainsi que les champs stériles.

fieldbo. — Conclusion ! Conclusion ! Musique !

bratsberg. — Silence, n’interrompez pas !

stensgard. — Monsieur le chambellan, mon conte est terminé et, devant cette nombreuse assemblée, je vous adresse mes excuses pour ce qui s’est passé hier.