Page:Ibsen - Les Soutiens de la société, L’Union des jeunes, trad. Bertrand et Nevers, 1902.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
L’UNION DES JEUNES

aslaksen. — Hier aussi.

fieldbo. — Hier c’était encore excusable. Mais aujourd’hui…

aslaksen (montrant la salle à manger). — Est-ce qu’ils ne boivent pas là dedans aussi ?

fieldbo. — Si, mon cher Aslaksen, ils en ont le droit jusqu’à un certain point. Mais votre situation n’est pas la leur.

aslaksen. — Ma situation. Ce n’est pas moi qui l’ai choisie !

fieldbo. — Non, la Providence a choisi pour vous.

aslaksen. — Ce n’est pas la Providence non plus. Ce sont les hommes. C’est Daniel Hejre qui a choisi pour moi quand il a voulu que je renonce à mon métier d’imprimeur pour me consacrer à l’étude et c’est aussi le chambellan Bratsberg qui a choisi pour moi quand il a ruiné Hejre et m’a ainsi forcé de reprendre mon ancien métier.

fieldbo. — Laissez-moi vous dire, afin que vous puissiez en parler en connaissance de cause, que le chambellan n’a point ruiné Daniel Hejre. Il s’est ruiné tout seul.

aslaksen. — Possible ! Mais alors comment Hejre a-t-il osé se ruiner après avoir assumé une si lourde responsabilité à mon égard. Dieu aussi, naturellement, a sa part de la faute, pourquoi m’a-t-il donné tant de capacités ? J’aurais pu devenir un ouvrier habile. Mais alors est venu ce vieux farceur.

fieldbo. — C’est très mal à vous de parler ainsi. Ce que Daniel Hejre a fait pour vous, il l’a fait avec les meilleures intentions.