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THÉATRE

stensgard. — Fieldbo, je suis ambitieux, tu le sais bien. Il faut que je fasse mon chemin dans le monde. Quand je pense que j’ai déjà trente ans et que j’en suis encore au début, je sens la dent du remords qui…

fieldbo. — Ce n’est certainement pas une dent de sagesse.

stensgard. — Il est impossible de causer sérieusement avec toi. Tu n’as jamais senti ce besoin de mouvement et d’activité ; tu as toujours été engourdi, toujours et partout : au collège et à l’université, à l’étranger et maintenant ici,

fieldbo. — Peut-être, mais c’est délicieux cet engourdissement, sais-tu ! ça ne ressemble en rien à cette lassitude qui vous fait tomber sous la table lorsque…

stensgard. — Cesses tes plaisanteries. Tu commets une mauvaise action en te moquant ainsi. Tu m’enlèves tout mon enthousiasme.

fieldbo. — Oui, mais sais-tu, si ton enthousiasme est si peu…

stensgard. — Laisses, te dis-je. Quel droit as-tu de troubler mon bonheur. Ne me crois-tu pas sincère, par hasard ?

fieldbo. — Je te crois tout à fait sincère. Dieu m’en est témoin.

stensgard. — Et pourquoi me décourager ? m’aigrir ? me rendre défiant ? (Bruit sous la tente). Ecoute, Fieldbo, ils boivent à ma santé. L’idée qui agite une pareille foule doit être grande