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L’UNION DES JEUNES

dant un certain temps. Mais, dis-moi, cher ami, je ne peux pourtant pas croire que…

stensgard. — Oui, Fieldbo, je l’aime réellement, je puis te le dire à toi. Je vois bien ce qui t’étonne. Tu trouves surprenant que je me sois si subitement… Tu sais, n’est-ce pas, que j’ai été fiancé à Christiania.

fieldbo. — Oui, on m’a raconté cela.

stensgard. — Toute cette affaire n’a été qu’un malentendu. J’ai dû rompre, c’est ce qu’il y avait de mieux à faire. Tu peux bien croire que j’ai souffert de ce qui s’est passé, que j’en ai eu réellement du chagrin. Mais Dieu soit loué, c’est fini. C’est aussi la raison pour laquelle je suis parti de Christiania.

fieldbo. — Et elle, Ragna Monsen, répond à ton affection.

stensgard. — Oui, mon cher ami, je ne puis en douter.

fieldbo. — Vas ton chemin, alors. C’est un grand bonheur et je pourrais t’en dire long là-dessus.

stensgard. — Réellement ? Elle a peut-être parlé à Mlle Bratsberg ?

fieldbo. — Tu ne peux pas me comprendre. Mais comment se fait-il alors que tu te sois jeté tout entier dans la mêlée politique ? Pourquoi recherches-tu ainsi les acclamations de la foule… ?

stensgard. — Et pourquoi pas ? L’homme n’est pas une machine absolument simple. Je n’en suis pas une, moi, dans tous les cas. Et puis il faut précisément que je passe par toutes ces luttes et tout ce tracas pour arriver jusqu’à elle.

fieldbo. — C’est un trajet diablement banal.