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THÉATRE

perdre de son harmonie et dont, rien qu’à les voir, le cœur promet une abondante moisson au maître qui en prend la direction, on comprendra qu’Ibsen, à Stockholm ou dans toute autre ville scandinave, se soit entouré de préférence d’un aréopage féminin. Ne lui en faisons pas un reproche et laissons le philosophe cueillir, comme tant d’autres, les roses de l’apostolat après en avoir connu les épines.

L’apostolat ! Quel terrible ministère à exercer à Paris ! On a remarqué le ton sceptique, le masque moqueur que plus d’un moraliste a dû adopter pour pouvoir imposer sa propagande, alors même qu’elle disposait des dons les plus rares. Qu’on songe seulement à M. Alexandre Dumas fils. Pardonnera-t-on à un étranger de se risquer dans l’arène sans précautions, visière levée ? Je compte à cet effet sur la disposition où le jeu des acteurs réussira à placer un public naturellement impressionnable et avide avant tout de nouveau et de vrai. Ai-je réussi à montrer combien Ibsen était sincère ? A-t-on compris combien il tient à découvrir dans les cœurs et dans les imaginations un point sensible qui les rende attentifs à sa parole ? Que ses interprètes se pénètrent de son esprit. Avant tout pas de déclamation ! On en fait beaucoup trop en Allemagne. En Scandinavie, s’il y avait quelque exagération à craindre, ce ne serait qu’une trop grande recherche de naturel et de simplicité.

Il n’est certes pas facile d’entrer dans l’âme de ces personnages exotiques. Je ne crains pas trop pour Oswald. Un artiste névrosé ! Hélas ! quel est, de nos jours, l’homme d’imagination qui ne comprenne pas ce rôle ? Sur quelques-uns d’entre eux, il a exercé une