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THÉATRE

Munich, des données que je me crois à même de puiser à bonne source et dont l’intérêt ne peut que s’accroître pendant que leur nombre grandira.

Les quelques mots qu’il m’est permis de dire en tête de cette traduction n’ont d’autre but que de placer, si faire se peut, le lecteur ou le spectateur des Revenants au point de vue d’où le drame m’est apparu à moi-même quand je le vis représenté pour la première fois, devant un public recueilli, sur le Théâtre-Royal de Stockholm.

Dès avant son apparition dans la capitale de la Suède, les murmures que le chef-d’œuvre d’Ibsen avait soulevés à son début avaient cessé dans ce pays. Ils se prolongèrent davantage dans la patrie de l’auteur et, si je ne me trompe, il n’y a qu’un an ou deux que les Revenants a été représenté à Christiania. L’opposition que rencontra la mise à la scène de ce drame a sa source dans les profondeurs même qu’atteignait impitoyablement le scalpel du moraliste. Je veux parler des groupes sociaux qui, avec le clergé de campagne et de petite ville comme noyau, possèdent en Norvège une autorité souvent dangereuse pour l’État lui-même. L’esprit de paroisse et de clocher est loin de s’identifier, dans ce pays, avec l’idée monarchique, appuyée sur les couches supérieures de la population. Dans ces petits centres, éloignés les uns des autres, les intérêts locaux et individuels passionnent plus que tout autre mobile. On y est conservateur des situations acquises, jaloux d’une influence lucrative dans son petit milieu, désireux d’exploiter le pouvoir du clergé sur des populations religieuses et d’entretenir en lui les ambitions et les petites passions humaines qui en font un allié souple et docile,