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grégoire, bas, mais avec fermeté. Si, — c’est toi.

werlé. — Tu oses ! Tu te permets ! Cet ingrat, ce photographe, comment peut-il, comment ose-t-il faire de pareilles insinuations !

grégoire. — Hialmar ne m’en a pas touché un mot. Je ne crois pas qu’il se doute de quoi que ce soit.

werlé. — Mais alors d’où te vient cette idée ? Qui a pu te dire pareille chose ?

grégoire. — C’est ma pauvre, ma malheureuse mère, la dernière fois que je l’ai vue.

werlé. — Ta mère ! J’aurais dû m’en douter ! Elle et toi, vous ne faisiez qu’un. C’est elle qui, dès le commencement, t’a éloigné de moi.

grégoire. — Non, ce n’est pas elle, c’est tout ce qu’elle a souffert, tout ce qui l’a brisée, accablée, conduite à sa misérable fin.

werlé. — Elle n’a pas plus souffert que toutes les femmes. On ne peut pas faire entendre raison à des malades, à des exaltées. J’en sais quelque chose. Et te voilà maintenant concevant des soupçons, prêtant l’oreille à un tas de racontars et de calomnies contre ton propre père !… Écoute, Grégoire, il me semble qu’à ton âge tu pourrais trouver une occupation plus utile.

grégoire. — En effet, il en est temps.

werlé. — Peut-être te sentirais-tu alors le cœur plus léger. Où cela peut-il te mener de te barri-