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ROSMERSHOLM

rébecca, se levant. — Ah ! je comprends maintenant.

kroll. — Que vous eussiez pris son nom. Votre mère s’appelait Gamvik.

rébecca, traversant la scène — Gamvik était le nom de mon père, M. le recteur.

kroll. — Les fonctions de votre mère devaient naturellement la mettre en rapports continuels avec le médecin du district.

rébecca. — C’est vrai.

kroll. — Aussitôt après la mort de votre mère, il vous accueille ; il vous traite durement, et malgré cela vous restez auprès de lui. Vous savez qu’il ne vous laissera pas un sou. Pour tout héritage, vous avez eu, je crois, une caisse remplie de livres. Et cependant vous restez chez lui, vous supportez tout et vous le soignez jusqu’à la fin.

rébecca, près de la table, le regardant avec ironie. — Et si j’ai fait tout cela, c’est, signe d’après vous, qu’il y a quelque chose d’immoral et de criminel dans ma naissance ?

kroll. — Tout ce que vous avez fait pour lui, je l’attribue à un instinct filial inconscient : j’estime, au surplus, que, pour expliquer toute votre conduite, il faut remonter jusqu’à votre origine.

rébecca, brusquement. — Mais il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce que vous avancez ! Et je puis le prouver : à l’époque de ma naissance, le