Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
ROSMERSHOLM

kroll. — Depuis hier soir, seulement, je sais que c’est un renégat et une femme émancipée, qui vivent ainsi en commun.

rosmer. — Ah !! Tu ne crois donc pas que des renégats et des femmes émancipées puissent vivre en esprit de chasteté ? Tu ne crois pas qu’ils puissent être dominés par l’instinct de la moralité comme par une loi de la nature ?

kroll. — Je ne fais pas grand cas d’une moralité qui n’a pas ses racines dans la foi de l’Eglise.

rosmer. — Ce que tu dis là s’appliquerait, selon toi, à Rébecca et à moi ? À mes relations avec Rébecca ?

kroll. — Je ne puis pas changer d’opinion par égard pour vous : je ne vois pas d’abîme infranchissable entre la libre pensée et…

rosmer. — Et ?

kroll. — Et l’amour libre, puisque tu veux que j’appelle les choses par leur nom.

rosmer, lentement. — Et tu n’as pas honte de médire cela ! Toi, qui me connais depuis ma première jeunesse !

kroll. Justement parce que je te connais, je sais avec quelle facilité tu subis l’influence de ton entourage. Et, quant à ta Rébecca. (Mouvement de Rosmer.) Bien, bien ! quant à cette demoiselle West, nous ne la connaissons guère, à vrai