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hialmar. — Non. Au moment décisif, j’ai triomphé de moi-même. Je continuai à vivre. Mais, crois-moi, il faut du courage pour choisir la vie dans de telles circonstances.

grégoire. — Cela dépend du point de vue.

hialmar. — Il n’y en a qu’un, crois-moi, et il est heureux que je l’aie choisi, car bientôt j’aurai fait ma découverte et le docteur Relling croit, comme moi, que mon père pourra, après cela, reprendre son uniforme. C’est tout ce que je demanderai pour prix de mon invention.

grégoire. — C’est donc la question de l’uniforme, qui…

hialmar. — Oui, c’est là son ambition, son désir le plus ardent. Tu ne saurais croire combien mon cœur saigne pour lui. Chaque fois que nous célébrons une petite fête de famille, l’anniversaire de mon mariage, ou quelque chose du même genre, le vieillard fait son entrée, revêtu de son uniforme de lieutenant, souvenir des jours heureux. Mais au moindre coup qu’on frappe à la porte, il s’enfuit dans sa chambre, aussi vite que ses pauvres vieilles jambes peuvent le porter. Il n’ose pas se montrer ! Cela déchire le cœur, tu sais, le cœur d’un fils.

grégoire. — Combien de temps te faut-il à peu près pour cette découverte ?

hialmar. — Mon Dieu, ne me demande donc pas de détails. Combien de temps ? Mais une décou-