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LEUR ORIGINE.

ser que dans cette espace de temps, les Berbères eussent pu se multiplier au point qu'on le dit.

L'opinion qui les représente comme les enfants de Goliath ou Amalécites, et qui les fait émigrer de la Syrie, soit de bon gré soit de force, est tellement insoutenable qu'elle mérite d'être rangée au nombre des fables. Une nation comme celle des Berbères, formée d'une foule de peuples et remplissant une partie considérable de la terre, n'a pas pu y être transportée d'un autre endroit, et surtout d'une région très-bornée. Depuis une longue suite de siècles avant l'islamisme, les Berbères ont été connus comme habitans du pays et des régions qui leur appartiennent de nos jours, et ils s'y distinguent encore aux marques spécifiques qui les ont toujours fait reconnaitre. Mais pourquoi nous arrêter aux sornettes que l'on a ainsi débitées au sujet des origines berbères ? il nous faudrait donc subir la nécessité d'en faire autant, chaque fois que nous aurions à traiter d'une race ou d'un peuple quelconque, soit arabe, soit étranger ? L'on a dit qu'Ifricos transporta les Berbères (en Afrique) ; puis ils racontent qu'il les trouva déjà dans ce pays, et qu'étant étonné de leur nombre et de leur langage barbare, il s'écria : Quelle berbera est la vôtre ? comment aura-t-il donc pu les y transporter ? Si l'on suppose qu'ils y avaient déjà été transportés par Abraha-Dou-'l-Menar, ainsi que quelques uns l'on dit, on peut à cela répondre qu'il n'y avait pas entre ce prince et Ifrikos assez de générations pour que ce peuple eut pu se multiplier au point [d'exciter l'étonnement de celui-ci. ]

Quant à l'hypothèse de ceux qui les prennent pour des Himyerites de la famille de Nòman, ou pour des Modérites de la famille de Caïs-Ibn-Ghailan, elle est insoutenable , et a déjà été réduite à néant par le chef des généalogistes et des savants, Abou-Mohammed-Ibn-Hazm, qui a consigné dans son Djemhera l'observation suivante : « Quelques peuplades berbères veulent faire accroire qu'elles viennent du Yémen et qu'elles descendent de Himyer ; d'autres se disent descendues de Berr, fils de Caïs ; mais la fausseté de ces prétentions est hors de doute : le fait de Caïs ayant eu un fils nommé Berr, est absolument inconnu à