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XX
INTRODUCTION.

que des libérateurs. Obligés de cultiver les plaines de l’Afrique pour le compte de quelques grandes familles romaines, ils avaient à satisfaire aux exigences de leurs maîtres et à l’avidité du fisc impérial, quand la présence des envahisseurs les délivra d’une servitude devenue intolérable. Mais, avec ce changement, ils durent accepter les obligations qu’impose l’islamisme, et, fatigués bientôt d’une religion qui leur prescrivait de fréquentes prières et leur enlevait près de la moitié de leurs récoltes à titre d’impôts, ils s’allièrent encore aux Romains, écrasèrent les armées arabes (en l’an 683), et fondèrent, à Cairouan même, le premier empire berbère. Pendant cinq ans, leur chef Koceila gouverna l’Afrique avec une justice qui mérita l’approbation des Arabes qu’il avait vaincus. En 688-9, Zoheir-Ibn-Caïs, émir chargé par le khalife de venger la mort d’Ocba, renversa le trône de Koceila ; puis, en 691, Hassan-Ibn-en-Noman prit la ville de Carthage et subjugua les Berbères que la Kahena, reine du Mont Auras, avait rassemblés pour le combattre. Mouça-Ibn-Noceir soumit les Berbères de l’Auras, conquit la Tingitane et remporta, en 711, sur les bords de la Guadalète, la célèbre victoire qui livra l’Espagne à l’islamisme et mit fin à l’empire des Visigoths. Depuis lors, les émirs qui gouvernaient l’Afrique eurent la double tâche de combattre les Berbères, race toujours impatiente du joug étranger, et de résister aux tentatives ambitieuses des chefs arabes qui commandaient sous leurs ordres. Pour accroître les difficultés de leur position, le Kharedjisme, doctrine d’une nouvelle secte, se propagea chez les indigènes.

Après la mort de Mahomet, son gendre et cousin, Ali, espéra obtenir le commandement temporel et spirituel des Musulmans. Deux fois, il se vit frustré dans son attente, et la troisième fois il eut à combattre un rival qui finit par le remplacer : Moaouïa, chef de la famille des Oméïades et de la haute bourgeoisie de la Mecque, corps qui s’était longtemps opposé aux entreprises de Mahomet, resta seul khalife en employant tour à tour l’intrigue et les armes. La plus grande partie de la nation arabe se laissa entraîner dans cette querelle qui, heureusement pour l’Europe, brisa à jamais l’unité de l’empire ; mais un certain nombre de