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Elle sortit pendant qu’il corrigeait ses épreuves dans un bureau de journal ou qu’il fouillonnait des livres dans une bibliothèque, et nia mettre les pieds dehors ; il ne pouvait cependant s’astreindre à la surveiller ; mais parfois il vérifiait le livre des dépenses, cherchant si le ruban de velours, si le chapeau qu’elle avait achetés étaient inscrits. Il recommençait les additions, craignant que ces emplettes n’y figurassent point, se demandant si la somme qu’il lui avait remise avait été totalement employée aux besoins du ménage, avec quel argent elle avait pu faire ses acquisitions nouvelles.

Tout à coup ses absences cessèrent ; elle refusa, avec une ténacité qu’il ne put vaincre, de sortir avec lui dans la rue. Il attribua ce brusque changement à l’un de ces caprices de femme contre lequel serait bien fou qui se buterait. Pour qu’il pût comprendre l’obstination de cette fille, il lui eût fallu connaître son passé et il n’en connaissait que les bribes qu’elle lui avait servies dans des moments d’expansion raisonnée. La vérité était que Marthe avait revu d’anciennes amies, que s’étant posé, un jour de détresse, la question de la marguerite : « l’aimerai-je un peu,