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qui se tordaient en mèches folles sur la neige rosée du cou. Une épingle se détacha et une longue spirale se déroula sur sa robe de drap d’un vert presque noir qui l’étreignait comme un vêtement japonais, dessinant le serpentement de sa gorge, la corniche de ses hanches. Avec ses longs yeux noirs splendidement lumineux, ses lèvres en braises, ses joues rondes, elle ressemblait ainsi, moins le costume si fastueusement pittoresque, à Saskia, la première femme de Rembrandt, celle dont Ferdinand Bol nous a retracé l’image dans un merveilleux portrait.

Marthe se leva. Tiens, regarde donc, dit-elle, ces gens qui boivent, et elle touchait avec l’amande rose de son ongle, une copie de Jordaens, « le Roi de la Fève » puis elle rit, gorge déployée, à la vue de ce monarque coiffé d’une couronne de paillon, aux cheveux dégringolant à la débandade, sur la serviette attachée au cou ; elle se divertit à contempler cette tablée de joyeux drilles qui braillent, fument, crie à tue-tête : le Roi boit ! le Roi boit ! Léo lui avait pris la main et lui montrait, tout en l’embrassant, les femmes du tableau, cette populacière ventrue qui torche son enfant tandis que le chien vient le flairer et les deux autres plus