Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ni l’autre ne connaissait l’adresse exacte du comédien. Ils avisèrent enfin, non loin de la rue des Lyonnais, un marchand de tabac qui arborait fièrement à sa devanture, au-dessus de blagues en cuir granuleux et en vessie de porc, des grappes de pipes blanches : têtes de jeunes filles et de turcs, de zouaves et de boucs, de bacchus et de patriarches ; une jeune fille mafflue, qui pesait des carottes à chiques, leur indiqua la maison qu’ils cherchaient, une maison récemment barbouillée d’une couleur grumeleuse et rosâtre, quelque chose comme un écrasement de fraises dans du fromage blanc, de lie de vin dans du plâtre. C’était là, en effet, derrière un comptoir en zinc, troué de citernes minuscules pour l’écoulement des vins, que gesticulait et braillait le chanteur. Le ventre ceint d’un tablier noir, les bras nus, la bouche crénelée de bouts de dents, le groin rouge comme une vitelotte, Ginginet, cabotin et ivrogne par goût, cabaretier et coureur de filles par nécessité, buvait de quatre heures du matin à minuit, avec ses pratiques, qui travaillaient, pour la plupart, à trier des chiffons et à préparer des peaux de bêtes avec du tan.

Mais ces ouvriers ne venaient guère que le ma-