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criait l’athlète dans son porte-voix, et les trombones soufflaient à faire péter leur cuivre, la cloche derlinait à toute volée, les cymbales claquaient désespérément, les fifres piaulaient déchirants, aigus, et, dans ce tumulte d’enfer, calmes et mâchant des chiques, se tenaient droits sur l’estrade, bombant leurs torses velus, faisant sauter dans leurs bras la boule de leurs biceps, des hercules énormes. Des piaffes, des poussées, des cris de ralliement, des sifflets, éclataient de toutes parts. — Ohé les enfants ! Viens donc, Paul ! hé Louis ! par ici, vieux ! — Et, comme une poussée d’eau sale, la foule battait la cahute sur laquelle, époumoné, rouge, suant, éperdu, Marseille vociférait sans relâche : — Entrez ! entrez !

Désirée donnait le bras à Céline et s’amusait fort. Anatole et Colombel fumaient des tronçons de cigarettes et ouvraient des bouches à y mettre des poings ; tous les deux voulaient aller voir la lutte. Céline et Désirée n’y tenaient pas, la petite surtout, qui écoutait la parade qu’un pitre, chargé de tenir la foule en haleine, récitait avec de grands gestes.

La tente était déjà pleine, car l’on entendait un martellement de bottes, une rumeur de rires, et, par moments, la toile était cabossée par des derrières trop à l’étroit. Un bobèche au panta-